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Fondée en 1835

Complexe municipal du sablon, 48, rue Saint Bernard, 57000 Metz

LA CONTROVERSE DE L'HETTANGIEN

Annette Chomard-Lexa*, Bulletin .Inf.Géol.Bass.Paris, 2003, vol 40, n°2, p8-18.

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Résumé

L'histoire du stratotype de l'Hettangien, préservé depuis 1985 par le statut de réserve naturelle (Hanzo, 1994), débute avec l'observation de Victor Simon en 1828. Malgré les travaux du géologue suisse Renevier en 1864, elle n'aboutit pas à un consensus immédiat : d'une part, pas avant la fin du XIXe siècle pour sa reconnaissance en tant qu'étage et d'autre part, pas avant 1962 pour sa position exacte sur l'échelle stratigraphique internationale, intimement liée à celle du Rhétien, pour lequel seul Olry Terquem plaida en faveur d'un âge triasique. La controverse, dont le noyau dur se situe entre 1842 et 1868, est détaillée, avec ses arguments géologiques : paléontologique (gryphées), stratigraphique (faille de Boust) et pétrographique (faciès gréseux et sableux et siliceux). Deux écoles de pensée s'affrontent : celle de la géologie appliquée, surtout industrielle et agronomique et celle plus fondamentale de la paléontologie stratigraphique représentée par Olry Terquem, précurseur dans ce domaine en France. On assiste à l'affrontement de la caste toute puissante du corps des mines avec les universitaires et les amateurs dont la contribution à cette jeune science mérite d'être rappelée. Enfin, c'est la confrontation d'hommes aux intérêts et aux idéologies divergents. Ce travail historique est l'occasion de rendre hommage à Olry Terquem, une figure oubliée de la géologie française du 19e siècle.

 

Mots-clés : Hettangien , Histoire , Géologie, Terquem

Titre anglais : The Hettangian Controversy

Abstract : The story of the Hettangian - the stratotype of wich is protected since 1985 by its status of natur reserve - long starts with the observation of Victor Simon in 1828 and, in spite of the works of the swiss geologist Renevier in 1864, it will not come to a consensus before the end of the century for its recognition as a stage, and not before 1962 for its exact position in the international stratigraphic scale, which is closely linked to the position of the Rhetian for wich Olry Terquem was supporting a Triassic age. The controversy which took place mainly between 1842 and 1868 is detailed, including its geological arguments: palaeontological (Gryphea), stratigraphical (Boust fault) and petrographical (gritty and sandy facies). Two schools of thought conflict : the school of applied geology, more industrial and agronomical and the more fundamental school of stratigraphical paleontology, represented by Olry Terquem, a precursor in this field in France. There is also a clash between the almighty caste of the mines and the university and amateurs, whose contribution to this young science, still trying to understand itself, deserves to be mentioned. Finally it is a clash between men with conflicting interests and ideologies.This historical work gives the opportunity to acknowledge Olry Terquem, a forgotten figure of the French geology in the 19th century.

Key words : Hettangian , Rhetian, History , Geology, Terquem

 

 

I PRESENTATION

1) Biostratigraphie

a) Le Rhétien en Lorraine Le Rhétien renferme, à la base, une zone à Avicula contorta et ossements de poissons (bone bed). Il ne comprend ni ammonites, ni coraux, ni brachiopodes.

b) L'Hettangien, premier étage du Jurassique C'est avec l'Hettangien, étage d'utilisation internationale, et sa zone à Psiloceras planorbis que débute le Jurassique. L'Hettangien comprend aujourd'hui trois zones à ammonites : Psiloceras planorbis, Alsatites liasicus et Schlotheimia angulata. La zone à Angulata renferme une faune exceptionnelle de bois, lignite, foraminifères, coelentérés, bryozoaires, échinodermes, crustacés, annélides, brachiopodes, mais surtout mollusques lamellibranches, gastéropodes, ainsi que de rares céphalopodes .

2) Lithostratigraphie

a) Un Rhétien longtemps discuté Le Rhétien marque l'amorce de la transgression liasique : c'est un ensemble de faciès littoraux qui repose en concordance sur le Keuper ; il est lui-même recouvert en concordance par l'Hettangien. Sa position fut l'objet de discussions, puisqu'il occupa longtemps en France une position à la base du Lias, jusqu'à ce que le Comité Français de Stratigraphie, en 1962, statue définitivement : il est, depuis, reconnu que l'étage Rhétien est le dernier étage triasique. Il comprend :

- à la base, un grès calcaire à coquilles, appelé Grès infraliasique,

- au sommet, les Argiles de Levallois, d'une grande constance géographique.

b) L'Hettangien dans la région des trois frontières (placer ici la fig 1a et 1b) La mer amorce un mouvement transgressif vers l'ouest qui va se poursuivre jusqu'au Jurassique moyen. L'Hettangien en Lorraine, au Luxembourg et dans les Ardennes, fut un dépôtlittoral à fréquents changements de faciès, d'épaisseur et de largeur, qui forme actuellement une bande sinueuse de 1 à 4 kms. Au Luxembourg, il correspond à une puissante masse de grès : le golfe du Luxembourg, qui s'ensable vers le milieu de l'Hettangien, est une anse dans le détroit qui réunissait la mer germanique et la mer du Bassin de Paris et qui se fermera plus tard. L'Hettangien inférieur (zone à Planorbis) n'existe pratiquement plus dans les Ardennes, dans le Nord de la Meuse, la Meurthe-et-Moselle (sauf à Xeuilley), la région de Metz et la Haute-marne ; on la rencontre en Belgique et, vers le sud, jusqu'à Hettange ; elle est représentée par le faciès marno-calcaires devenant de plus en plus gréseux en allant vers l'ouest. L'Hettangien supérieur (zone à Angulata) existe partout avec des faciès et des faunes différents, d'épaisseur variable : elle est constituée par des roches marneuses à Charleville, gréseuses à Sedan, marneuses en Belgique, sableuses siliceuses à Metzert, gréseuses au Luxembourg et à Hettange, marno-calcaires partout ailleurs en Lorraine. Le Sinémurien, quant à lui, est un étage constant en Lorraine; il débute par le Calcaire à gryphées, puis est suivi des Marnes à Promicroceras et d'un calcaire en un seul banc appelé Calcaire ocreux. Marno-calcaire en Lorraine, le faciès est sableux siliceux à la base, au Luxembourg, et au milieu de l'étage, en Belgique. Vers les Ardennes, le Rhétien et l'Hettangien sont transgressifs sur le Trias aux environs d'Habay; plus à l'ouest, l'Hettangien est transgressif sur le Rhétien; enfin c'est le Sinémurien qui transgresse sur l'Hettangien.

II HISTORIQUE

1) La découverte de l'Hettangien

D'abord placé par Alcide d'Orbigny (1849-1852) dans le Sinémurien qu'il considérait comme le premier étage du Jurassique (dans le Lias inférieur), souvent appelé Infralias à cette époque, cet étage fut appelé Hettangien par un géologue suisse, Renevier en 1864. Les géologues se mirent progressivement à adopter ce nom et Albert de Lapparent, dans son traité de géologie (1883), adopta ce nouvel étage. Si Renevier a proposé ce nom qui correspond au village éponyme d'Hettange-Grande en Moselle, pour un usage non pas local mais international, il ne faut pas oublier que c'est à des géologues lorrains que revient le mérite d'avoir découvert, combattu et reconnu cette place toute particulière dans l'échelle stratigraphique : dès 1830 avec Victor Simon, puis dès 1847 avec Olry Terquem. La première trace de l'observation de l'Hettangien apparaît en 1828, avec les premières études de Victor Simon, précurseur de la géologie lorraine. Juge au tribunal de Briey puis de Metz, il formera avec son " disciple" Olry Terquem une véritable école. La Société d'histoire naturelle de la Moselle (SHNM) fut fondée en 1835 à Metz, à partir des réunions cordiales entre amateurs de sciences naturelles qui avaient lieu chez Victor Simon où se réunissaient les notables messins (militaires, ingénieurs, professeurs, pharmaciens). " Ce grès siliceux (…) contient de la chaux qui lie les grains de sable entre eux (…) cette formation est très-riche en fossiles végétaux et animaux. On trouve dans la partie supérieure et dans la partie moyenne, dans les couches friables, des empreintes bien reconnaissables de licopodiolites et de calamites : elles sont souvent tapissées de jayet. Les autres couches contiennent quatre espèces de peignes, la térébratule priscus, plusieurs espèces de plagiostomes, une turbinée, une patelle, une natice, une ammonite analogue d'une du lias, plusieurs espèces remarquables d'huîtres, un trochus, une bucarde, du lignite et des carpolithes " (p131-132). La description paléontologique, on le voit, est encore bien sommaire. Dans sa notice sur le Grès d'Hettange près de Thionville en 1831, Simon conclut qu'" il est bien distinct du grès blanc qui accompagne la formation du Keuper et celle du Lias " et que " le grès d'Hettange appartient à une formation qui se présente dans un vaste développement à Luxembourg et aux environs de cette ville, ce qui lui a fait donner le nom de grès de Luxembourg " (p130). Au cours de sa première visite en 1826, il vit " dans un puit creusé à une quart de lieue de cette ville par M. Milleret, ce grès reposer sur une couche de lias " (Simon, 1931, Acad Metz, p128-129). Voici la première description de la carrière d'Hettange : " située à 5 km au Nord de Thionville, à droite de la route qui conduit de cette ville à Luxembourg; l'exploitation est très-vaste. J'y ai compté seize couches, dont huit de couleur blanc grisâtre, à taches brunes et dures, alternant avec huit autres, d'un aspect terreux gris jaunâtre sale, friable et qui, je pense, pourraient servir de pierres à filtre. Elles ont en général de deux pieds à deux pieds et demi d'épaisseur, et sont surmontées d'un terrain brisé, qui a un mètre de puissance. Quelquefois les couches se brouillent, quelquefois aussi elles sont interrompues par des masses ovo•des, dont le diamètre n'excède pas un mètre. Toutes ces couches sont horizontales et dans la position où elles furent déposées primitivement " (ibid., p131). Dès 1846, Olry Terquem qui débutait alors son activité de géologue, publia ses Observations sur le Lias du département de la Moselle dans le Bulletin de la SHNM. Appelée alors grès liasique, "cette assise se distingue par sa faune et par sa flore toutes deux exceptionnelles et fort remarquables(…]. Le grès liasique, dans sa texture et sa composition, demande une étude toute spéciale (…); nous prendrons pour exemple la carrière d'Hettange qui paraît résumer les diverses modifications que cette roche est susceptible d'éprouver (…) ce dépôtcommence à Hettange, à cinq kilomètres de Thionville, se continue sans interruption jusque et au-delà de Luxembourg, où il forme un grand escarpement, et occupe ainsi une surface d'environ quarante kilomètres carrés ". Terquem présentait une étude brève de la disposition et texture de la roche, des restes organiques et une liste de fossiles grossièrement identifiés, datée de janvier 1846. A cette époque, la roche était exploitée intensément et c'est ce qui explique en partie l'intérêt pour Hettange : de la partie inférieure du dépôt, on extrayait des blocs pour la construction des hauts-fourneaux, des bornes et pavés ; les bancs coquilliers plus calcaires donnaient des moellons employés pour la fondation des constructions. Olry Terquem et Edouard Piette divisèrent le Lias inférieur en quatre zones selon les divisions biozonales de Oppel établies en 1856, les deux premières zones à Ammonites planorbis et Ammonites angulatus représentant l'Hettangien. En 1869, Collenot proposa trois zones ( à Planorbis, Liasicus, Angulatus) pour l'Auxois, ce que Haug confirma en 1894.

2) Le Rhétien : premier malentendu autour des grès d'Hettange

a) Le Rhétien en Europe occidentale

" Signalé depuis 1718, en Allemagne par Straskircher, puis en Angleterre par Buckland et Conybear, ces derniers lui donnèrent le nom de bone bed en raison du nombre de dents et de petits os que l'on y trouve et le placèrent dans le Keuper (...)]. Les géologues autrichiens le transportèrent dans le Lias et furent combattus par les géologues suisses. Quenstedt dans "Der Jura" le coupe en 2 : "praecursor" dans le trias, "cloaque" à cheval entre trias et lias. Oppel quelque temps auparavant l'avait appelé zone à Avicula contorta et placé dans le trias : cette opinion est à notre avis l'expression de la vérité; cependant M.Oppel l'abandonna plus tard, entraîné par exemple de M. Quenstedt, et il reporta la zone à A. contorta dans le Jurassique. Quelques auteurs allèrent plus loin. Non contents de placer le bone bed dans le terrain jurassique, ils refusèrent de le considérer comme un étage particulier et, le réunissant à diverses assises du lias inférieur, ils désignèrent sous le nom d'infra-lias les dépôts disparates au sein duquel ils absorbèrent son individualité " (Terquem et Piette, 1861). Le Rhétien fut décrit par Moore en Angleterre, Suess en Autriche qui créa ce terme, puis Gümbel en Allemagne qui en fit un étage en 1864. Jusqu'en 1861, date à laquelle Gümbel introduisit le terme de Rhétien, cet étage était placé dans le Keuper. D'après Renevier, les partisans de la position triasique du Rhétien réunissaient Oppel, Gümbel, Winkler, Emmrich en Allemagne, Lyell, Wright et Moore en Angleterre, ainsi qu'une partie des géologues français: Leymerie, Terquem et Piette.

b) Les partisans de l'Infralias

En Belgique, le Rhétien repose en plusieurs endroits en discordance sur les terrains primaires des Ardennes. D'Omalius d'alloy le rapportait aux Grès de Luxembourg en 1854. Dumont qui réalisa la première carte géologique de la Belgique (Boulvain, 1993) le place en 1851 dans l'Infralias, sous la "Marne de Jamoigne " et l'appelle "Sable de Mortinsart " : c'était en fait le Rhétien avec la zone à Planorbis de l'Hettangien. Chapuis et Dewalque en 1853 l'appelèrent "Sable et grès de Mortinsart":" peu développés, ils reposent en stratification concordante sur les marnes du Trias ". En Lorraine, le grès correspondant fut décrit en premier par Voltz en 1823 (le grès de Vic). Dufrénoy et Elie de Beaumont en 1841 (mais en fait dès 1828) l'appelèrent "Grès infraliasique" ou "Grès inférieur du Lias". Il s'agissait selon eux du "Quatersandstein" et ils ne le séparaient pas du Calcaire à gryphées arquées. En 1828, Elie de Beaumont écrivait : " La séparation que je fais entre les marnes irisées et le grès inférieur du lias est du nombre de ces coupures artificielles, auxquelles la nécessité d'assigner des bornes circonscrites à chacun des objets de nos études nous force à recourir dans l'étude de toutes les sciences naturelles ". Pour les autres ingénieurs lorrains (Levallois, Sauvage, Buvignier...) qui font entrer le Rhétien dans le Lias, le "Grès infraliasique" est le grès Rhétien. Jean-Jacques Levallois écrit en 1862 "ce qui fait le caractère utile de cette couche de marne, c'est que j'ai reconnu qu'elle donne lieu, par son contact avec les bancs perméables de calcaire à gryphées arquées, à un magnifique niveau de sources qui règne d'un bout à l'autre du département" : ce niveau Rhétien portera plus tard le nom d'"Argiles de Levallois". Très peu de couches portent le nom de leur découvreur : les géologues ayant eu cet honneur sont Levallois et Elie de Beaumont avec sa "Dolomie de Beaumont" (à cet égard, il est amusant de constater que pour le terme de "Dolomie de Beaumont", Levallois déclara lui préférer le terme de "Dolomie moellon "!). Ce même Levallois publia en 1865 un mémoire sur les couches de jonction du Trias et du Lias en Lorraine et Souabe où il décrivit sa fameuse couche d'argile: la zone à Avicula contorta d'Oppel, qui fait partie du "Grès infraliasique", est séparée du Grès d'Hettange par une couche constante d'argiles rouges en Lorraine. Au niveau de Kédange, Levallois donnait alors la succession de bas en haut : Grès de Kédange - Marnes irisées - Calcaire à Gryphées - Grès d'Hettange, situant le Grès d'Hettange " enclavé dans le lias ", tandis que le Grès de Kédange occupe une position infraliasique, c'est-à-dire dans le Lias inférieur.

c) Les géologues lorrains non engagés : les consensuels de la Meurthe

Benoist, en 1867, divise le Rhétien en trois parties : une partie dans le Trias (bone bed), les deux autres dans le Lias (sables et grès infraliasiques) : c'était déjà l'opinion de Lebrun, auteur d'une note parue lors de la réunion extraordinaire de la Société géologique de France en Lorraine (1852).

d) Terquem, le mouton noir de la Moselle

Terquem réfutait déjà en 1855 la position du "grès keupérien" (c'était le nom qu'il donnait alors à cette couche) comme "infraliasique", c'est-à-dire comme appartenant au Lias inférieur, terme qu'il réservait au Grès d'Hettange, de Luxembourg. Et de conclure: "ainsi la faune du bone bed, non moins que son aspect minéralogique se rattache au trias[É] en découvrant le bone bed, on a retrouvé un des anneaux de la chaîne immense qui unit les uns aux autres les terrains et les créations qu'ils représentent (…)lors même que la faune et la pétrographie du bone bed ne donneraient aucune lumière sur son âge, la stratigraphie suffirait pour faire valoir qu'il n'est pas liasique (…). Soudé en quelque sorte aux marnes irisées (...) il est en parfaite concordance de stratification avec elles; il les accompagne partout et en suit constamment le sort ". Et, en parlant du Lias, " il est au contraire en discordance de stratification, avec ce dernier terrain (…) le bone bed ne fait pas partie du lias, il mérite une place à part dans la formation triasique et doit être intercalé entre l'étage saliférien et l'étage sinémurien, que le bone bed est en discordance de stratification avec le Lias" . Terquem fut ainsi le premier à lui avoir reconnu la valeur d'un étage, ce qui fut salué bien plus tard par cet autre géologue lorrain qui révisait le Jurassique de Lorraine, Henri Joly, en 1908. Terquem fut, finalement, le seul avec Piette à reconnaître la véritable position du Rhétien.

e) Un statut international pour le Rhétien

Renevier, en 1864, ne se prononça pas de manière absolue mais plaida en faveur de l'indépendance du Rhétien et du Lias inférieur, ainsi que d'une position triasique pour la couche à A.contorta malgré ses observations paléontologiques - deux genres dont trois espèces à affinités triasiques, contre treize genres dont trente espèces à affinités liasiques : "je repousse donc le nom d'Infralias pour la zone à A.contorta et la réserve exclusivement à la zone supérieure à laquelle il appartient de fondation."

f) Le Rhétien devient liasique...pour longtemps!

Edouard Piette résumait en 1870 sa position défendue avec Terquem : "Le savant (Renevier) qui, depuis, a désigné sous le nom d'étage Rhétien ce que nous appelions zone des Avicula contorta ou bone bed, n'a fait que traduire par un nom nouveau l'idée que nous avions émise. M. Hébert fait de ce dépôtla première assise liasique. Nous le regarderons comme appartenant au Trias. " En 1885, Albert de Lapparent rattachait le Rhétien au Lias. Il utilisait pour la Lorraine la bibliographie de l'ingénieur Jacquot, sans citer Terquem et Piette et renvoyait simplement à ces derniers pour la coupe du Rhétien et de l'Hettangien dans la Semois. Il écrivit que "la plupart des auteurs allemands le placent dans le Trias. Mais en considérant que son dépôtco•ncide avec un très grand changement géographique, marqué par le retour sur toute l'Europe occidentale ; en réfléchissant, d'autre part, qu'avec cet événement, disparaît la distinction jusqu'alors si tranchée, de la province méditerranéenne et de la province germanique, nous croyons qu'il est difficile de ne pas faire du dépôtde l'étage Rhétien le premier épisode de la grande série jurassique." L'affaire fut définitivement enterrée : le Rhétien était devenu en France le premier étage liasique et, comme pour l'Hettangien, les idées dissidentes d'Olry Terquem attendront 100 ans pour reprendre leurs droits.

f) Conclusion

Pour Terquem, ce Grès d'Hettange appartenait à l'Infralias : c'était pour lui synonyme de Lias inférieur, immédiatement sur le Rhétien qu'il ne faisait pas entrer dans le Lias. C'est une cause du premier malentendu : les auteurs qui suivent Terquem appellent "Grès infraliasique." les Grès d'Hettange, de Luxembourg. Le Colonel Hennocque, amateur et membre de la SHNM, publia en 1851, dans le bulletin de cette société, une note sur le Grès d'Hettange qu'il plaçait sous le Calcaire à gryphées, directement sur les Marnes irisées, et qu'il assimilait au Grès du Luxembourg. Pour les autres (Levallois, Sauvage, Buvignier, Dewalque...), qui faisaient entrer le Rhétien dans le Lias, le Grès infraliasique représentait le grès Rhétien.

3) Les Gryphées : deuxième malentendu autour des grès d'Hettange

a) Les Gryphées s'en mêlent...

En réalité la controverse va débuter avec un deuxième malentendu déclenché par Buvignier. Nicolas-Armand Buvignier est né en 1808 : élève de l'Ecole polytechnique, puis, de l'Ecole des mines, il fut ingénieur civil vers 1830 et s'intéressa aux affaires politiques de son département jusqu'à sa mort en 1880. Dès 1842, il publia avec son ami l'ingénieur Clément Sauvage (1814-1872) la Description de la géologie des Ardennes. En 1852, c'est la Géologie du département la Meuse, accompagnée d'une carte géologique et d'un atlas paléontologique de 500 espèces qui paraissait. Il fut le premier à établir une carte géologique sérieuse en Lorraine, malgré les fonds topographiques de l'époque contenant de nombreuses erreurs, selon Maubeuge (Colloque, 1962, p54-55) . Dans son ouvrage de 1842, Statistique minéralogique et géologique du département des Ardennes, en collaboration avec Sauvage, il se montrait totalement rallié aux idées catastrophistes de Cuvier, citant même encore Werner, et ne témoignait d'aucune velléité pour l'actualisme, écrivant au sujet de la période diluvienne : "ce qui distingue notre époque de l'époque diluvienne, c'est la différence d'intensité entre les causes qui opèrent sous nos yeux et celles qui ont opéré l'érosion des vallées (…). Les torrents diluviens, d'un volume considérable, étaient sans contredit animés d'une vitesse et d'une puissance de transport bien supérieures à celle de nos cours d'eau (É); le déluge engloutit les pays où habitaient alors les hommes, mettant les mers à sec, n'épargnant qu'un petit nombre d'hommes qui ont pu se propager de nouveau ". Dans sa Géologie du département de la Meuse de 1852 — écrite avant la réunion extraordinaire de la Société Géologique de France (SGF) — concernant le Grès d'Hettange, il défendit des opinions erronées qu'il conserva jusqu'au bout puisqu'il ne reconnaîtra jamais ses erreurs :

- Il niait l'existence possible d'une faille à Boust.

- Il plaçait le Grès d'Hettange qu'il considérait comme identique au Grès de Luxembourg, au-dessus du Calcaire à gryphées, dans son "Calcaire sableux", sous les Marnes à Amalthées de l'actuel Pliensbachien.

On peut relever son point faible, à savoir le manque d'excursions géologiques hors de sa zone d'étude (Nord--meusien et Ardennes) : " à la suite de plusieurs explorations interrompues par différents contretemp". De même dans le compte-rendu de la séance du 17 novembre 1851 de la SGF, il écrivit: " quoique plusieurs contretemps m'aient empêché à diverses reprises, de vérifier si le grès d'Hettange se prolonge au nord d'Aspelt, je regarde comme plus probable qu'il se rattache vers Hespérange à la partie supérieure des grès du Luxembourg. ". Il s'opposait aux conclusions du Colonel Hennocque auquel il reprochait d'avoir confondu Gryphaea arcuata avec G. Cymbium (maccullochii) et G.obliquata du Calcaire sableux de la Meuse du Lias moyen (Sinémurien). Il intégrait donc le Grès d'Hettange plus haut dans le Lias. Les gryphées servirent d'argument à Buvignier pour semer le doute : échantillons recueillis peu nombreux, susceptibles de variations, de déformations, absence de descriptions nettes de ce genre à laquelle Terquem pallia par plusieurs notes paléontologiques. A cette même séance, Terquem lui répondit le même jour par une note à l'aide d'une coupe au niveau de la faille de Boust (fig. 1) et expliqua la raison de sa confusion dans la détermination des gryphées.

b) Buvignier, Levallois et la coupe de Boust

A la séance du 5 avril 1852, le Nancéien d'origine Gérard-Paul Deshayes — qui publia à la SGF en 1838 la première monographie conchyliologique du Lias de Nancy — lit une note de Buvignier en réponse à la précédente note de Terquem. Les arguments étaient ici de nature orographique : la coupe de Terquem qui " pourrait faire croire à un soulèvement [É] n'est pas une coupe mais la juxtaposition de tronçons faits dans des directions différentes. "; Buvignier n'a observé aucune gryphée au pied des " escarpements " qui ne sont juste que des accidents locaux. Il présenta sa coupe hypothétique de Boust (fig.1). Deshayes rappela, pour conclure, les résultats incontestables du Colonel Hennocque. Jean-Jacques Levallois, au cours de cette même séance, rappela que le Grès d'Hettange n'était pas infraliasique, puisqu'il ne ressemblait pas au " Grès de Kédange " (Rhétien). Deshayes conclut que " M. Levallois adopte la manière de voir de M. Buvignier " et d'Omalius d'alloy ajouta " que toutes les analogies lui paraissent être en faveur de l'opinion de M. Buvignier ". Levallois, ingénieur en chef des mines pour la Meurthe, devenu inspecteur général des mines, présenta sa note sur le Grès d'Hettange et sur le Grès de Luxembourg où il exposa un tableau du Lias, confirmant qu'il adoptait la coupe (hypothétique) de Boust présentée par Buvignier — alors que tous deux ne placaient pas le Grès d'Hettange au même niveau pourtant! — et ajouta " cependant M. Deshayes qui défend avec M. Terquem l'opinion contraire, a annoncé, de la part du Colonel Hennocque, des conclusions tout aussi tranchées dans un sens diamétralement opposé. Sans connaître les observations sur lesquelles elles s'appuient, je puis au moins m'assurer que ces observations n'ont point été faites à Boust de sorte qu'elles ne pourront pas détruire les faits qui sont si évidents en ce point là ", certain que " le grès d'Hettange ne représente pas le grès de Luxembourg dans son entier, il correspondrait seulement aux couches supérieures ". Il finit sa note en se prononçant pour le r™le secondaire que joue la paléontologie, capable de déterminer l'âge relatif de deux couches, mais ne remplaçant pas " le classement rigoureux, géométrique que fournit la stratigraphie " . Lui, qui n'avait pas visité ces régions, déclara préférer les vues de l'ingénieur belge André Hubert Dumont plutôt que celles de Terquem, mêmes si ces vues étaient différentes de celles de Dumont qui imposeraient alors la contemporanéité des deux ensembles de couches, à savoir Calcaire à gryphées et Grès d'Hettange, ce dont Levallois doutait en arguant que les "Marnes de Strassen " n'étaient peut-être pas l'équivalent latéral du Calcaire à gryphées. En fait Levallois admettait les similitudes entre Grès d'Hettange et de Luxembourg, mais refusait leur synchronisme; il plaçait le Grès d'Hettange au niveau du "Calcaire ferrugineux " de Sauvage et Buvignier, le confondant avec le " Grès médioliasique " et donc, il le plaçait trop haut. Levallois ne reconnaîtra, lui non plus, jamais ses erreurs, puisqu'en 1864, il fit silence sur le sujet et se consacra à la question de la limite Trias-Lias : un silence qui en dit long !

c) L'ingénieur Dumont et l'Hettangien en Belgique

En Belgique, André-Hubert Dumont publia de 1842 à 1852 et réalisa la carte géologique de la Belgique. Sa classification du Lias de la province de Luxembourg de 1851 présentait un Hettangien encadré de part et d'autre par du Sinémurien à gryphées (Marnes de Jamoigne qui affleurent à Florenville sont de l'Hettangien). La polémique continuera jusqu'en 1863 : Dumont écrivit que le Grès d'Hettange n'était pas infraliasique, mais qu'il lui était supérieur. Finalement chacun campait sur ses positions, plaçant le Grès d'Hettange au vu de résultats locaux. Les raisons géologiques en sont les suivantes :

- Les fossiles sont peu fréquents.

- Le Calcaire à gryphées arquées a quelques mètres d'épaisseur aux environs d'Hettange, alors qu'il a 20 m et plus dans le reste de la Lorraine.

- Il y a confusion entre G.arcuata, G obliqua et G. cymbium.

 

4) Troisième malentendu à la réunion de la Société géologique de France

La querelle s'étant envenimée, la SGF décida donc d'une réunion extraordinaire le 1ér septembre 1852 à Metz, en vue de résoudre le problème. Chaque année en septembre, une réunion extraordinaire était organisée dans une ville de province : les membres étaient conduits dans des lieux intéressants avec des experts locaux et parisiens, puis avaient lieu des discussions qui se poursuivaient le soir après dîner. Parmi les participants, on note Messieurs Léopold de Buch alors président de la réunion, Auguste Daubrée, Edmond Hébert, Eugène Jacquot, ingénieur en chef du département de la Moselle, vice-secrétaire, responsable de l'itinéraire, Victor Simon et Olry Terquem : la réunion comportait donc à la fois des universitaires, des ingénieurs en fonction et des amateurs (Simon et Terquem entre autres). Les deux premiers jours étaient consacrés au Jurassique des environs de Metz, les deux suivants au Grès d'Hettange, les deux suivants au Trias - Carbonifère vers Sarrebrück jusqu'à Oberstein. Buvignier était absent, mais fit paraître une note: " je suis vivement contrarié de ne pouvoir me rendre à cette réunion. Je le regrette d'autant plus que, d'après la localité où elle a lieu, les explorations de la société n'auront probablement pas lieu dans l'ordre le plus convenable pour éclaircir cette question ". Terquem exprima aussi son regret que " l'itinéraire ne passe pas par ces contrées si riches en fossiles qui auraient permis de lever le doute " : l'itinéraire proposé par Jacquot ne passait effectivement pas par la province du Luxembourg et les Ardennes, mais restait strictement mosellan. Dans le compte rendu, Terquem donna un résumé de la question concernant ce troisième malentendu, à savoir les variations de faciès d'une région à l'autre, comparant le Lias dans la Moselle, le Würtemberg, dans la Meurthe (étudié par Levallois), dans la Province belge du Luxembourg (décrite par Dumont), dans les Ardennes (dont Sauvage et Buvignier avaient réalisé l'étude) : démonstration courte, brillante, méthodique, mais incomprise, puisque Terquem n'échappera pas à de nombreuses attaques ultérieures. La note de Buvignier jointe au compte rendu n'est qu'un résumé de son point de vue exprimé dans son livre de 1852 : il confondait les grès et les calcaires sableux de France et de Belgique, ainsi que Gryphaea obliqua avec G.cymbium et G. arcuata; il considérait ce Grès d'Hettange comme appartenant au Lias moyen, l'assimilant au " Calcaire sableux " des Ardennes et de la Meuse à G. cymbium et A. planicostata. Quant à Poncelet, ingénieur des mines dans la province de Luxembourg — absent lui aussi — se déclara dans une note lue par Hébert " très porté à admettre que le système de calcaire et de marnes à Gryphées arquées dans le Luxembourg divise en deux parties le grès liasique " n'utilisant pour cela que des arguments pétrographiques. Ce fut Edmond Hébert qui conclut (rappelons que Hébert a fait une thèse sur les oscillations du sol dans le Bassin de Paris et qu'il a publié cinq notes sur le Grès d'Hettange entre 1851 et 1859). Il rendit compte le 8 septembre de l'excursion au cours de laquelle, lors de la visite à la carrière d'Hettange, la SGF eut la preuve de l'existence de la faille de Boust. Il donna une coupe et se déclara de l'opinion contraire à celle de Buvignier. Quelques jours après, l'excursion au puits artésien de Mondorf confirmait le recouvrement, partout, du Grès d'Hettange et du Luxembourg par le Calcaire à gryphées. Il conclut donc à la superposition du Calcaire à gryphées sur le Grès d'Hettange, le Grès du Luxembourg et d'Hettange étant pour lui les mêmes du point de vue paléontologique plut™t que pétrographique. Il plaçait la limite entre le Grès d'Hettange et le Calcaire à gryphées avec un lit de galets de calcaire bleuâtre en plaquettes, renfermant des perforations dues à des coquilles perforantes et des gryphées, preuve d'un changement de condition de vie. Dans une note qu'il lit plus tard en séance (parue en 1853) où il démontra ses conclusions, Levallois s'opposa à lui, faisant encore observer que le Grès d'Hettange n'était pas le " Grès infraliasique" de Elie de Beaumont et Dufrénoy; à cela, Hébert répondit que le " Grès infraliasique" était compris entre les Marnes irisées et le Calcaire à gryphées et qu'il était différent du " Grès de Kédange" (Rhétien). Résultats convaincants donc, mais la controverse va se poursuivre avec les géologues belges Chapuis, Dewalque et d'Omalius d'alloy. C'est l'objet du quatrième malentendu dû à l'absence de visite sur les lieux adéquats, à l'absence de coupes bien observées et à l'emploi de termes trop locaux, trop pétrographiques. Cela semble une spécificité mosellane, car Hébert fit remarquer au cours de la séance du 7 septembre 1852 qu'il y aurait utilité " pour la géologie que les noms qui sont adoptés très généralement le fussent également dans le département de la Moselle, pour représenter des assises identiques et par leurs fossiles et par leur ordre de superposition ".

5) Quatrième malentendu avec les géologues belges

Cette controverse provient des changements de faciès entre le Luxembourg, la Lorraine, la Belgique et les Ardennes. Chapuis publia en 1853 avec Dewalque un mémoire couronné par l'Académie royale de Belgique, premier ouvrage de paléontologie important sur la province de Luxembourg : il s'agissait de deux docteurs en médecine belges convertis à la paléontologie, Chapuis ne publiant qu'un seul travail sur ce sujet. Notons que Dewalque se ralliera aux opinions de Terquem vers 1854-1857 (date de ses publications sur le Lias), ce que Terquem traduisit en ces termes : " Il est juste d'ajouter ici que dans ses derniers travaux sur le Lias du Luxembourg, M Dewalque paraît avoir lui-même abandonné les opinions que nous combattons. On ne pouvait pas moins attendre d'un géologue aussi éclairé et aussi dévoué aux intérêts de la science". En 1854 à la SGF, Omalius d'Halloy lit un ouvrage de Dewalque admettant huit strates dans le Lias dont deux Calcaires à gryphées arquées encadrant le Grès d'Hettange. Mais à cette époque, Omalius d'Halloy semble se rallier au point de vue de Terquem : " la répartition des mêmes roches à des niveaux géognostiques différents, les grandes variations d'épaisseur, et probablement les changements de nature que présente une même assise, sont cause qu'il y a beaucoup de divergence, non seulement dans le raccordement des dép™ts mais aussi dans la position assignée à chacun de ces dépôts". En 1858 Terquem reviendra sur la question, à regret du reste, pour répondre à une note de Dewalque pour qui le " Grès de Mortinsart " est le Grès d'Hettange alors qu'il est d'âge rhétien: la première cause du malentendu!

6) Jacquot, l'ingénieur des mines de la Moselle

André Eugène Jacquot, né à Metz en 1817, élève de l'Ecole polytechnique et de l'école des mines, revint comme ingénieur des mines en 1846 à Metz qu'il quittera pour Bordeaux en 1858. Dans son Esquisse géologique et minéralogique de la Moselle parue en 1854, il se référait pour le Lias à Levallois et admettait :

- un "grès infraliasique " (en fait le Rhétien des autres auteurs et le Lias inférieur) comprenant des assises de grès et de marnes recouvertes par les Argiles de Levallois qui seraient plus apparentées au Lias qu'au Keuper.

- les grès d'Hettange appartenant au Calcaire à gryphées.

" Toutefois il y aurait peut-être quelque témérité à avancer que les deux dépôts sont synchroniques (…) le grès infraliasique est peu développé à Kédange et le calcaire à gryphées l'est beaucoup entre ce village et Thionville, tandis que c'est l'inverse à Hettange et à Luxembourg où le grès acquiert une grande puissance. Cette opinion, est je crois, la plus rationelle et c'est pourquoi M.Elie de Beaumont a pu dire que le grès de Hettange est plu complètement incroporé au calcaire à Gryphées que celui de Kédange ", mêlant ici le Grès de Kédange d'âge rhétien avec le Grès d'Hettange. Il se rangea à l'avis des géologues belges en 1855, considérant le Grès du Luxembourg, comme synchrone du Calcaire à gryphées. Appartenant à l'Ecole de la géologie appliquée, le Grès d'Hettange ne fut pas sa spécialité puisqu'il avait mieux à faire du côté de Forbach avec la recherche de charbon. En fait Jacquot ignora complètement la spécificité du Grès d'Hettange.

7) Olry Terquem et la paléontologie de Hettange

 

Olry Terquem : 1797-1886

(Bull.SHNM, 1935)

Le rôle d'Olry Terquem dans la détermination de l'Hettangien, aussi bien au plan paléontologique que stratigraphique, fut essentiel. En 1855, parut à la SGF la Paléontologie de l'étage inférieur de la formation liasique de la province du Luxembourg, Grand Duché (Hollande) et de Hettange du département de la Moselle, comprenant 448 pages de mémoire, 15 planches renfermant 132 fossiles dont 119 identifiés par lui-même. " Nous nous contenterons de ce que nous avons vu et examiné, sans même l'appuyer d'aucune démonstration, laissant au temps le soin de prouver qui, de nos antagonistes ou de nous, se trouve plus près de la vérité ". Olry Terquem y décrit " une quantité importante de fossiles pélagiens et de rivage sans ordre, les gastéropodes sont roulés, les acéphales ont les valves séparées, les cardinies sont abondantes, toutes les plantes sont terrestres, il y a des coquilles terrestres, lacustres, d'eau douce mêlées (ampullaires, mélanies, néritines " . Sa Paléontologie du département de la Moselle, parue en 1855 dans le bulletin de la SHNM, est un inventaire de 939 espèces de la faune et de la flore fossiles de tout le département, depuis les terrains houillers jusqu'aux formations les plus récentes. Ce travail fut d'ailleurs salué un siècle plus tard par d'autres géologues lorrains, Théobald et Heintz, en 1955, qui complèteront l'étude de l'Hettangien, parlant de la "magnifique étude paléontologique de Terquem ". Sur les 939 fossiles, 600 nouveaux furent inventoriés : vertébrés (dents de plésiosaures, mégalosaures, fragments d'os plats de ptérodactyle), céphalopodes rares mais importants pour les corrélations, quelques autrescéphalopodes et une faune importante et variée de lamellibranches et gastéropodes, ainsi qu'une microfaune rare - il signale Dentalina, Frondicularia et Cristellaria. Environ 156 fossiles ont d'Orbigny pour auteur, 145 sont déterminés (ou créés) par Terquem, mais c'est pour le Grès d'Hettange que la contribution majeure de Terquem est évidente : 117 fossiles sont des espèces nouvelles contre 1 ayant pour auteur D'Orbigny, sur 177 trouvés. Deshayes ("les conseils d'un ami et les lumières d'un savant , A. Brongniart, Milne-Edwards, Bayle, Hébert, Gervais, Haime, Buvignier, Enghelhard, Eudes-Deslongchamps et Fromentel ont contribué aux déterminations. Terquem attribua le nom Hettangia à un genre et hettangiensis à 7 espèces. L'importance de ce travail impressionnant ne paraît pas avoir été perçu par les protagonistes de la controverse : il eut pourtant en soit été déjà une raison suffisante pour reconnaître la singularité de l'Hettangien.

8) A l'aube de la "sagesse"

a) Les propositions de Terquem et Piette

Edouard Piette (1826-1906) fera, pour les Ardennes, l'étude des grès d'Aiglemont et Rimogne, très intéressants pour la comparaison en 1855. En 1861, Terquem publie avec Piette sur Le Lias inférieur de la Meurthe, de la Moselle, du Grand duché de Luxembourg, de la Belgique, de la Meuse et des Ardennes. C'est sans doute la publication la plus explicite et la plus complète sur ce sujet. Il a exploré 51 sites en Meurthe, Moselle, Belgique, Ardennes et Luxembourg et en présente les 19 coupes principales (dont une faite dans la tranchée de chemin de fer à Hettange). Ils découpèrent le Lias inférieur en quatre zones, les deux premières correspondant à l'Hettangien. " Aussi les avons nous placées dans un seul étage à l'exemple d'Alcide d'Orbigny ".

- Zone à Ammonites planorbis : 64 espèces, dont 7 sont spécifiques.

- Zone à A.angulatus : 340 espèces, dont 53 sont communes avec la zone précédente, 114 reconnues seulement dans cette zone - ceque Terquem estimait déjà surévalué.

- Zone à A.bisulcatus : 267 espèces, dont 174 sont aussi dans les zones inférieures, 57 spécifiques.

- Zone à Belemnites brevis, 232 espèces, dont 65 paraissent spéciales à cette zone.

" Il ressort avec évidence des études auxquelles nous nous sommes livrées, qu'une faune nombreuse, représentant une des phases de la vie animale à la surface de la terre, a éclos dans les mers après la perturbation qui a mis fin à l'ère triasique, qu'elle s'est perpétuée sans se modifier pendant toute l'époque du lias inférieur, et que les débris enfouis dans les quatre zones de ce terrain les lient indissolublement les uns aux autres. Aussi les avons nous placés dans un seul étage à l'exemple d'Alcide d'Orbigny " . Plus tard, Terquem et Piette ne les placeront plus ensemble : en 1870, dans une note à la SGF, Piette plaida en faveur des deux assises , l'une appelée " Infralias " (Hettangien), l'autre " Lias à gryphées arquées " ou " Lias inférieur " ; mais il discuta du terme " Infralias " (qu'il considérait comme inadéquat car voulant dire " sous le Lias " alors qu'il en fait partie. Il proposa de subdiviser l'étage, préférant subdiviser le Lias inférieur appelé alors Sinémurien en deux assises : les zones à A.angulatus et A.planorbis pourraient devenir l'étage Agryphitien ou Luxembourgien Ñ l'actuel Hettangien Ñ et pour les zones à A.bisulcatus et B.brevis, l'étage Gryphitien ou Distrofien Ñ l'actuel Sinémurien. Curieusement, il ne semble pas connaître la proposition de Renevier, mais il n'est plus ici question que de terminologie, nos géologues semblant posséder les mêmes points de vue. En 1865, Terquem et Piette publièrent un travail paléontologique sur Le Lias inférieur de l'Est de la France pour expliquer les variations de faciès. En 1866, parut le Traité de géologie et paléontologie du vicomte d'Archiac, professeur au Muséum d'Histoire naturelle de Paris et qui fut président de la SGF : dans sa classification des terrains, il passa sous silence la spécificité du Grès d'Hettange. Albert de Lapparent, ingénieur des mines lui aussi, dans son Traité de géologie de 1885, ne fit pas allusion aux nombreux travaux de Terquem, mais se référa à Jacquot pour la Moselle et à Dormal pour la Province belge de Luxembourg (alors que ce dernier n'étudia jamais, même plus tard, particulièrement ce point de géologie et que ce ne fut pas non plus la spécialité de Jacquot). Il faisait commencer le Lias avec l'Hettangien et utilisait les quatre zones du Lias inférieur : "Au-dessus du Rhétien, se place ce que nous appellerons avec M.Renevier l'étage Hettangien dont le type est offert par le grès d'Hettange : c'est l'infra-lias de la plupart des géologues et le Lias blanc des anglais ". En effet, en 1864, Renevier signalait pour la première fois le niveau Hettangien dans les Alpes vaudoises. " Je crois donc qu'un de mon travail est d'établir pour la première fois un équivalent alpin bien constaté à la faune du grès infraliasique d'Hettange " . Son tableau de l'Hettangien regroupe 38 espèces dont douze attribuées à Terquem et quatre à Renevier, dont une commune aux deux auteurs. "Je repousse donc le nom d'Infralias pour la zone à A.contorta et le réserve exclusivement à la zone supérieure à laquelle ils appartient de fondation. Mieux vaudrait encore le rejeter puisqu'il est devenu un sujet de confusion, et appeler la zone supérieure étage Hettangien d'après le gisement le plus remarquable au point de vue paléontologique. C'est ce que l'avenir sanctionnera j'espère ".

b) Les rancunes de Levallois

L'aperçu sur la constitution géologique du département de la Moselle de jean-Jacques Levallois, paru en 1862, est une description sommaire, mais elle reflète bien l'esprit du travail de son auteur : Levallois avait la conscience de participer au grand plan cadastral minéralogique de la France. La méthode consistait à " déterminer les relations de superposition des différentes couches minérales d'une contrée " et c'est là " une question de géométrie et susceptible à ce titre d'une solution rigoureuse " . Mais, conscient des difficultés, et à défaut de l'observation directe, il a recours à l'observation indirecte, ce qu'il appelle " l'habitude des couches " . Ce mot indique qu'il ne s'agit pas de caractères précis qui puissent donner lieu à un signalement comme en zoologie ou en botanique, mais " d'un ensemble qui ne peut guère s'acquérir que de visu " : une stratigraphie empirique en fait, destinée à aplanir les couches, supprimer les assises non conformes, les fossiles douteux, ceux-là mêmes qui permirent la découverte du stratotype remarquable comme l'Hettangien. Méfiant à l'égard des terminologies locales, Levallois déclarait ne se fier qu'aux observateurs directs ayant pu comparer une couche en des lieux différents. Contradictoire, il le fut à plus d'un titre, comme, par exemple, lorsqu'il écrivait " je n'ai pas suivi le grès médioliasique dans le département de la Moselle ; mais je ne doute pas qu'il n'ai été aperçu par Simon " : il citait ici les observations de Victor Simon datées de 1836, ignorant superbement les quinze années d'observations et de publications de Terquem. Levallois regrettait cette unité dont la pensée est toujours si séduisante pour l'esprit, mais cette unité qui n'est pas la caractéristique première des dépôts en géologie ! Bien après la réunion de la SGF, il n'admit pas l'évidence, mais " omit " dans ses écrits suivants les assises de l'Hettangien, passant du Rhétien avec ses Marnes irisées aux Calcaires à gryphées pour lesquels il ne sera pas prolixe non plus !

III ANALYSE DE LA CONTROVERSE

1) Les arguments

Les arguments avancés dans la controverse de l'Hettangien par les détracteurs de Terquem paraissent légers à bien des égards, notamment lorsqu'il s'agissait des ingénieurs qui ne se sont pas rendus sur les lieux, concluant, non pas sur la foi de leurs travaux, mais sur ceux d'autres ingénieurs des mines, refusant d'accepter les arguments paléontologiques, afin de régler les problèmes stratigraphiques, même bien après délibération des spécialistes de la SGF. Les citations bibliographiques méritent d'ailleurs aussi une attention lorsque l'on constate que Terquem n'est quasiment pas cité par ses opposants, même des années après la réunion de la SGF, alors que le même Terquem cite abondamment ses sources (Goldfuss, Agassiz, d'Orbigny, Cuvier, Lyell, Brongniart, Murchison, Deshayes, Pictet, Oppel, Suess, Quenstedt, Darwin…), lesquelles donnent à penser qu'il possède un sérieux bagage bibliographique, ce qui n'est pas le cas des ingénieurs dans les publications desquelles ces références sont absentes, obsolètes, ou au mieux sont celles de confrères (Levallois fait encore référence à Simon en 1862! Jacquot ne cite que Levallois…). Levallois semble à la recherche de l'unité, tels nos chercheurs contemporains à la recherche de l'équation unificatrice. On conçoit que les aléas de la paléontologie, laquelle offre bien souvent des variations de faciès, des variations intraspécifiques, n'étaient pas de son goût.

2) Le rôle de Terquem

C'est pourtant Terquem qui a le mieux compris le problème de l'Hettangien en donnant à la paléontologie son véritable caractère d'utilité géologique. Cela l'amènera d'ailleurs à réaliser par la suite d'importants travaux purement paléontologiques, des notes sur les gryphées et surtout plus tard, sur les foraminifères. Il témoignait d'une grande puissance de travail, n'hésitait pas à se déplacer et vérifiait ses coupes, ses fossiles, s'entourait de paléontologistes parisiens universitaires pour ses déterminations. Bien sûr, on imagine qu'il y consacrait tout son temps, ce qui ne dut pas être le cas des ingénieurs appelés à de nombreuses autres tâches, mais ce qui étonne, c'est l'entêtement et le refus d'accepter les arguments de Terquem.

3) L'affrontement de deux écoles

Victor Simon ayant ouvert la voie avec des observations encore à la portée de tous, la géologie de cette région prit son envol avec Terquem. Il s'y créa ainsi deux écoles de pensée :

- La première est celle de la paléontologie stratigraphique, inspirée de l'Ïuvre de d'Orbigny et d'Oppel : elle est constituée d'un noyau d'amateurs éclairés, membres de la SHNM, auxquels viennent se greffer des universitaires en poste, géologues et paléontologues (Edouard Piette, qui sera un premier universitaire préhistorien français, pionnier de l'utilisation de la stratigraphie pour la chronologie, Edmond Hébert, Deshayes…).

- La deuxième est celle de la géologie appliquée, plus industrielle et agronomique avec des ingénieurs des mines inspirés par Elie de Beaumont : Levallois, Jacquot, Buvignier et, pour les pays limitrophes, Poncelet et Dumont. La géologie appliquée accordait peu d'importance aux fossiles et relevait plut™t de la géométrie. Ces deux écoles cohabiteront sans se mêler, jusqu'en 1900 où les apports de la paléontologie stratigraphique à la géologie appliquée feront faire de grands progrès, se révélant indispensables à l'essor que va connaître la géologie prospective et minière de cette région.

4) Pouvoir de caste

Il est permis de se demander si, au-delà de ces débats intellectuels, ne se cachaient pas des conflits humains et corporatistes : un corps des mines tout puissant formant une véritable coalition — Jacquot, Levallois, Buvignier, Dumont, Poncelet — défendant des idées erronées avec des arguments insuffisants, ignorant les travaux des amateurs. Le conflit belge avait au moins le mérite de reposer sur des arguments sérieux, faisant appel à des paléontologues comme Chapuis et Dewalque. On assiste tout de même à l'affrontement de deux castes : d'un côté les amateurs promus au rang de spécialistes de leur discipline, de l'autre les officiels, la cohorte des ingénieurs des mines. Ces deux manières de pratiquer la géologie ne sont pas sans influence sur la controverse de l'Hettangien, où apparaît la toute puissance de la caste des ingénieurs polytechniciens qui auront marqué leur siècle lorsqu'il fallut établir des cartes (Buvignier, Dumont pour la Belgique…), exploiter le sel gemme ou le fer en Lorraine (Levallois, Jacquot).

5) Des ambitions et des hommes

Des hommes au caractère bien trempé, des arguments qui frisent la mauvaise foi, la superbe ignorance des travaux du clan opposé : les protagonistes du débat sur l'Hettangien étaient avant tout des Hommes, ne l'oublions pas. Concernant les caractères de nos personnages, le témoignage de Vivenot-Lamy, maître de forge à Champigneulles (Meurthe), nous dévoile un corps des mines tout puissant : vers 1841, grâce aux notions de géologie acquises auprès des ingénieurs Sauvage et Buvignier, notre homme trouva du minerai à Champigneulles, Frouard et Liverdun. On ne crut pas à sa découverte et il dut lutter trois ans contre l'incrédulité des ingénieurs Guibal et Levallois " qui prétendait que les traces qu'[il] avait pu découvrir ne valaient pas la peine de s'y arrêter ". Ses diverses démarches auprès de Levallois furent toutes vaines : " Mr Levallois accordant sans doute plus de confiance aux connaissances géologiques de Mr Guibal qu'à celles d'un inconnu, n'ajouta aucune foi à mes révélations et refusa de se rendre à mes pressantes sollicitations en allant reconnaître sur les lieux l'exactitude des faits. Sur ces entrefaits, je fis la connaissance d'un maître de forge de la Meuse qui avait peut-être intérêt à ce que la Meurthe n'eut pas de minerai, car en présence de quelques personnes notables de Nancy, il plaisanta et tourna en ridicule ma découverte (…) mon compte fut réglé et pendant quelque temps je ne passai que pour un halluciné (…). En 1844, Sauvage, cet ami dévoué, vint par hasard à Nancy, intercéda auprès de Levallois qui se décida à visiter : il fut étonné mais convaincu et l'annonça à son discours de réception à l'Académie de Stanislas la même année : " nous avons un gîte métallique de grande étendue, c'est la couche de minerai de fer oolithique qui se trouve à la base de toutes les côtes de l'arrondissement de Nancy, mais ce gîte n'est presque pas mis en valeur actuellement et doit être considéré comme une réserve ". Ce témoignage montre comment, à cette époque, les ingénieurs des mines percevaient les amateurs mais aussi les universitaires. Et cette aventure laisse quelque peu songeur quand on constate que l'entêtement d'un ingénieur, qui ne voulut peut-être pas reconnaître ses torts là encore, alla jusqu'à minimiser la découverte et retarder l'exploitation du gisement de fer qui allait faire bien plus tard la grande richesse de la Lorraine. Il attendit 1862 pour avouer que c'est là qu'il fallait chercher le minerai de fer!

IV CONCLUSION

La controverse de l'Hettangien réunit des hommes d'ambitions et d'horizons différents: d'un côté, Olry Terqum âgé alors de 55 ans (c'était à l'époque déjà un certain âge), sa carrière derrière lui et sans doute plus grand chose à prouver, qui se réalise parfaitement dans une activité de " gentlemanly geologist " selon l'expression anglaise, de l'autre, des hommes ambitieux en pleine maturité et en activité professionnelle (en 1852, Jacquot a 35 ans, Buvignier 44, Levallois 41 et Dumont 43 ans). Buvignier eut une carrière politique à Verdun dont il fut maire plus tard. De 1830 à 1852, il fit partie de la garde nationale de Verdun où il obtint le grade de colonel. En Belgique, la réputation d'André Dumont n'était plus à faire : il fut chargé par l'Académie royale de Belgique de réaliser la carte géologique de Belgique et reçut même à ce titre une médaille d'or en 1855 à l'exposition universelle de Paris. Mais des critiques — notamment celles d' Omalius d'Alloy — furent portées à l'encontre de l'oeuvre de Dumont au sujet de son échelle stratigraphique toute personnelle et régionale. Dumont se méfiait lui aussi du critère paléontologique et utilisait pour son travail des critères " géométriques ". Quant à Terquem, il eut de son côté Hébert et Piette, tous deux universitaires parisiens : c'est d'ailleurs ce milieu qu'il rejoindra après la guerre de 1870, en continuant son travail sur les foraminifères au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. Enfin il ne peut être fait abstraction des confessions religieuses de ces hommes, amenant deux manières de voir le monde : ainsi Buvignier, chrétien catholique, s'affichait encore comme un diluvianiste convaincu en 1842, alors que de son côté Olry Terquem, israélite engagé dans le mouvement libéral de l'époque, donc plutôt démocrate, fut sans doute plus apte à séparer science et religion en intégrant touts les concepts les plus modernes comme l'actualisme, l'évolutionnisme, ou la paléontologie stratigraphique de d'Orbigny et d'Oppel. La controverse de l'Hettangien, qui dura plusieurs décennies, fut le théâtre d'une véritable évolution des idées en géologie, autour d'un problème en apparence régional. Les approches divergaient selon les clans : méthodes " géométriques " pour le corps des mines et paléontologie stratigraphique pour les amateurs auxquels se rallièrent les universitaires. Le résultat controversé donna raison cent cinquante ans plus tard à Olry Terquem, précurseur des méthodes de paléontologie stratigraphique : un hommage mérité .

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LEVALLOIS J.J. (1835) - Identité des formations qui séparent dans la Lorraine et dans la Souabe le calcaire à gryphites (Lias) du Muschelkalk. Mém. Soc. géol. de France, t. 2, 1ère série, 1. Imp.F.G. Levrault, Paris, Strasbourg, 28p.

LEVALLOIS J.J. (1846) - Mémoire sur le gisement de sel gemme dans le département de la Moselle et sur la composition du terrain du Muschelkalk en Lorraine. Grimblot et Vve Raybois, Nancy, 29 p.

MOUTERDE R. (1980) - L'Hettangien, in Les étages français et leurs stratotypes. Comité Français de Stratigraphie, Mém. BRGM, Ed. B.R.G.M., Orléans, n¡ 109, 295 p., 43-49.

PIETTE E. (1870) - Réponse à la note de M.Meugy : Sur le Lias (séance du 2/5/1870), Bull. Soc. géol. France, t. 27, 2ème série, 602-615.

RENEVIER E. (1864-1865) - Notice géologique et paléontologique sur les Alpes vaudoises et les régions environnantes. Infralias et zone à Avicula contorta. Bull. Soc. Vaudoise Sci. Nat., Lausanne, t.8, 51-52-53, 39-97.

SAUVAGE C. ET BUVIGNIER A. (1842) - Statistique minéralogique et géologique du département des Ardennes. Trécourt Imp., Mézières, 554 p.

SCHLUMBERGER (1888) - Notice nécrologique sur M. Terquem, Bull. Soc.Géol.Fr, 2éme serie, t. 16, p 459-465. SIMON V. (1831) - Notice sur le grès d'Hettange près de Thionville. Mem.Acad.royale Metz, 12ème année, 128-133.

TERQUEM O. (1846) - Observations sur le Lias du département de la Moselle. Bull.Soc.Hist.nat.Moselle, 4ème, 17-53.

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TERQUEM O. (1855) - Observation sur les études critiques des mollusques fossiles comprenant la monographie des myaires de M. Agassiz. Imp. F. Blanc, Metz, 109p.

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TERQUEM O. et PIETTE E. (1862) - Le lias inférieur de la Meurthe, de la Moselle, du Grand duché de Luxembourg, de la Belgique, de la Meuse et des Ardennes, Bull. Soc. géol. France, 2e série, t.19, 322-394.

TERQUEM O. et PIETTE E (1865) - Le lias inférieur de l'Est de le France comprenant la Meurthe, la Moselle, le Grand Duché du Luxembourg, la Belgique et la Meuse. Extrait du Bull. Soc. géol. France, 2é série, t.8, Ed. F. Savy, Metz, 175p.

VIVENOT-LAMY (1894) - Mon histoire. Ed. Hennot et Godard., St Dizier, 151p.

Remerciements : Les documents ci-dessous, ont pu être consultés à la Société d'Histoire naturelle de la Moselle, à la Bibliothèque municipale et à l'Académie Nationale de Metz, à l'INPL, au laboratoire G2R-UHP à Nancy et au Musée d'Histoire naturelle de Luxembourg. Que tous ici soient remerciés, et particulièrement Bernard Lathuilière, Micheline Hanzo (laboratoire G2R-UHP-Nancy), Dominique Delsate et l'Académie de Metz pour leur précieuse collaboration.

Illustrations

Fig 1a : Carte géologique da la bordure Nord-Est du bassin de Paris, indiquant les principales localités mentionnées dans la controverse de l'Hettangien (d'après Gignoux in Pomerol et Babin, 1977, modifié).

Fig 1b : Déplacement du faciès gréseux vers l'WNW au Jurassique inférieur (d'après Bintz et al., in Pomerol et Babin, 1977) .

Fig 2 : La coupe de Boust selon Buvignier (bull. SGF, 1852) à gauche et selon Terquem (bull. SGF, 1862 ) à droite.

Fig 3 : Olry Terquem, 1797- 1886 (bull. SHNM, 1935).

Fig 4 : Extrait de la Coupe du Lias inférieur dans le Luxembourg, la Belgique et les Ardennes présentée par Terquem et Piette à la séance du 2 décembre 1861 (bull. SGF, 1862).

Tab. 1 Les hypothèses des principaux protagonistes de la controverse autour de la position de l'Hettangien vers 1852 - d'après un tableau inédit (communication personnelle de Hanzo (1977) et de Terquem (bull. SGF, 1852) - les positions discutées du Grès d'Hettange sont imprimées en noir gras, ceux des couches du Rhétien en italiques.

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